mercredi 20 février 2013

La biodiversité et l'ordre moral / A. Berque

Paysage paradisiaque avec des animaux Jan Breughel II
 Paysage paradisiaque avec des animaux, Jan Breughel II (1613 - 1615)
(source)
Centro internazionale di studi interculturali di semiotica e morfologia. Università di Urbino, I giorni della biodiversità, 15 dicembre 2010

La biodiversité comme impératif moral

– de l’histoire naturelle à une histoire humaine –

par Augustin BERQUE
 
Résumé - À partir d'une réflexion sur les analogies que présentent la théorie des milieux humains chez WATSUJI Tetsurô et celle des milieux animaux chez Jacob von UEXKÜLL, on présente l'hypothèse d'une contingence exponentielle inhérente à l'histoire naturelle comme à l'histoire humaine, et dont l'effet concret a été d’un côté une diversité toujours plus grande (sauf extinction massive), tant des espèces vivantes que des cultures humaines, et de l’autre côté une interrelation structurelle entre l’existence de tout sujet (individu, société, espèce) et celle de son milieu propre, ainsi chargé de toutes les valeurs existentielles de ce sujet ; en particulier, pour l’humain, de ses valeurs morales. Le mécanicisme du paradigme occidental moderne-classique a engendré une tendance inverse, toujours plus accentuée, qui aujourd'hui atteint l'allure d'une extinction massive sous ces deux aspects : d’un côté, ravage de la diversité des espèces vivantes et des cultures humaines ; de l’autre, neutralisation de toutes les valeurs au nom d’un objectivisme qui n’est, en fait, qu’une forclusion de la moitié de l’être (sa part existentielle). On se livre à quelques spéculations quant aux raisons de cette tendance et à la possibilité de la renverser pour retrouver le fil de la nature et de l'histoire, donc de la diversité, ce qui de ce point de vue est un impératif moral.

mercredi 13 février 2013

Vocabulaire : Mésologie / A. Berque

Flora and Fauna from the Miocene Cenozoic Period.  Evolution of Continental Life on Earth, José María Velasco
 Flora and Fauna from the Miocene Cenozoic Period.
Evolution of Continental Life on Earth
,
José María Velasco (1840 - 1912)
Pour le Vocabulaire de la mésologie

Mésologie

Par A. Berque

Du grec meson, milieu, et logos, discours, science. La mésologie, terme créé par le médecin Charles Robin (1821-1885), se définit comme l’étude des milieux*, humains en particulier. Georges Canguilhem, dans Études d’histoire et de philosophie des sciences concernant les vivants et la vie (Vrin, 1968, p. 71-72), éclaire son origine :
Dans le Système de Politique positive (1851) Comte nomme deux jeunes médecins qu’il donne pour ses disciples, les docteurs Segond et Robin. Ce sont là les deux fondateurs, en 1848, de la Société de Biologie (…). L’esprit qui animait les fondateurs de la Société était celui de la philosophie positive. Le 7 juin 1848, Robin lisait un mémoire Sur la direction que se sont proposée en se réunissant les membres fondateurs de la Société de biologie pour répondre au titre qu’ils ont choisi. Robin y exposait la classification comtienne des sciences, y traitait dans l’esprit du Cours des tâches de la biologie, au premier rang desquelles la constitution d’une étude des milieux, pour laquelle Robin inventait même le terme de mésologie.

mercredi 6 février 2013

Sur la Terre / A. Berque

The Cosmos Yi Hee Choung
 The Cosmos Yi, Hee Choung (2008)
(source)
La justice et la paix dans les Saintes Écritures et la pensée philosophique. Colloque international, Université Tunis El-Manar, 19-23 avril 2009

Sur la Terre

les fondements terrestres de l'éthique humaine 

par Augustin BERQUE

Résumé – Le besoin humain de vivre dans la justice et la paix n'est pas souvent, dans les représentations habituelles, relié à la nature. Celle-ci, en particulier dans la tradition occidentale, est au contraire invoquée pour expliquer (sinon même justifier, comme ce fut le cas du nazisme) l'injustice et la guerre : "L'homme est un loup pour l'homme" (Hobbes), "La raison du plus fort est toujours la meilleure" (La Fontaine), etc. Cette dépréciation de la nature a une longue histoire, qui tend – pour le meilleur comme pour le pire – à placer l'humain dans un registre irréductible à l'ordre naturel. Cette vision aboutit aujourd'hui à une décosmisation qui met en péril l'existence même de l'humanité sur la Terre. Il importe de refonder l'éthique sur la Terre, dans une onto-cosmologie dépassant le paradigme moderne.